Des livres photo



Mark Cohen - Dark Knees - éditions Xavier Barral
En arpentant inlassablement les rues de sa ville natale, Wilkes-Barre, petite cité minière de la Pennsylvanie, Mark Cohen invente un nouveau langage pour la street-photographie, prélevant des fragments de gestes, de postures et de corps.
Un travail impitoyable et audacieux.















 


Pentti Sammallahti - Ici au loin - éditions Actes Sud

Première monographie du maître finlandais de la photographie.
Ici au loin est un livre sublime, à la hauteur du talent de Pentti Sammallahti.

















Julien Coquentin - Tôt un Dimanche matin; Journal de Montréal - éditions Lamaindonne

Julien Coquentin, infirmier de nuit, photographie la ville encore endormie à l'issue de ses gardes.
Il y a du Edward Hooper, du Saul Leiter et beaucoup de poésie dans ce portrait silencieux de Montréal. 















 GUNKANJIMA, L'ILE CUIRASSEE

par Yves Marchand & Romain Meffre
aux éditions Steidl

Plus de quatre décennies après la fin de l'activité minière sur l'île de Gunkanjima, ses vestiges nous livrent une vision de ce qui resterait de la Terre si l'humanité finissait d'épuiser ses ressources.
 









 Martin Bogren - TRACTOR BOYS, aux éditions Aman Iman

Les pneus qui crissent, laissent des traces entremêlées sur le goudron.
Une vie à fond la caisse sur le terrain derrière l'usine...
Le regard pudique de Martin Bogren sur les premiers flirts, les premières clopes des TRACTOR BOYS... Envoutant.










 
Dans la série des livres tout à fait incontournables : 
Photo Express : Tokyo de Keizo Kitajima.

Le projet du photographe est indissociable de la galerie qu'il a co-fondée avec son professeur Daido Moryama : le CAMP.
Avant son ouverture, les seuls endroits où monter une exposition au Japon étaient les espaces commerciaux de Fuji ou Nikon. La naissance de ce lieu a entraîné une véritable explosion d'expérimentations en photographie, les artistes peu connus pouvant désormais montrer leurs travaux plus facilement.
A partir de 1979, Kitajima organise donc au CAMP une série de douze expositions mensuelles. Parallèlement à chacune d'elles, il publie Photo express Tokyo n°1 à 12, des plaquettes dans lesquelles les photographies exposées étaient reproduites. Chaque mois, il modifiait les formats de ses expositions, recouvrant les murs du sol au plafond, accrochant des tirages sur-dimensionnés, se servant de la galerie comme d'une chambre noire... Les plaquettes en revanche prenaient toujours la même formes avec des impressions en pleine page ou sur double-page. Il les appelait les « réflecteurs de moi » et son travail tournait exclusivement autour de ses nuits tokyoïtes. Il se servait de son appareil comme d'un moyen d'interroger le temps, d'y donner une réponse minimale, et n'avait de cesse de remettre en question son moyen d'expression.
Si ces plaquettes étaient vendues 200 yen (l'équivalent de deux tasses de café à l'époque), leur ré-édition en coffret par Steidl associé au Bal en vaut un peu plus, mais retranscrit admirablement l'exubérance et la créativité bouillonnante du photographe.





 Roxanne Moreil


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Vivian Maier, Street-Photographer






John Maloof, promoteur immobilier à Chicago, est de ceux qui ont visiblement une chance inexplicable. En 2007, lors de recherches aux archives municipales de Portage Park, il exhume plusieurs cartons remplis de négatifs appartenant à Vivian Maier, une photographe amateur, nourrice de profession pendant plus de quarante ans. 
Heureusement pour nous, Maloof avait aussi un œil, car surpris par la puissance des clichés pris par cette inconnue, il décide de partager sa découverte et de faire connaître ce travail tenu secret jusque là. 
C'est ainsi qu'il trouve plus de 100 000 négatifs pris entre les années 50 et les années 90, principalement au Rolleiflex par une femme profondément habitée par la photographie mais trop discrète pour oser en montrer le fruit. 
Très vite, elle fut comparée aux plus grands street-photographers, de Robert Frank à Diane Arbus, mais au fond, ce qui importe dans ces instantanés de la vie de Chicago et de New-York, c'est l'humanisme criant qui s'en dégage et la sensibilité avec laquelle cette femme s'est emparée de ce médium pour garder son œil tendre et plein d'humour braqué sur ses contemporains. 
Édité par PowerHouse Books, ce livre, par le chemin qu'il a emprunté pour arriver entre nos mains et par la qualité des photos qu'il présente, est une vraie belle découverte, comme on aimerait en faire tous les jours.







Roxanne Moreil


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Le monde sans normes de Diane Arbus
par Roxanne Moreil



Depuis le 18 octobre et jusqu'au 5 février 2012, le musée du Jeu de Paume présente la première rétrospective de l'oeuvre de Diane Arbus en France. Une exposition pensée comme une expérience intime entre modèle, photographe et spectateur.



Née à New-York en 1923, Diane Arbus est connue pour la fulgurance de son existence et la pureté choquante de sa photographie. Après avoir sombré dans la dépression, elle se donne la mort en 1971 et laisse derrière elle un travail qui occupe une place singulière dans l'histoire de la photographie.

Influencée par les travaux de Walker Evans et de Lisette Model, elle commence la photographie en arpentant les rues de New York, qu'elle envisage à la fois comme un territoire connu et une terre étrangère. Elle puise l'essentiel de son inspiration dans les rencontres qu'elle y fait et commence à s'interroger sur le rapport que le photographe entretien avec son modèle. Seulement six années se passent avant que sa production ne soit exposée au Moma.

Elle utilise la bourse Guggenheim pour voyager aux Etats-Unis et débute la célèbre série American Rites, manners and customs. C'est à ce moment là qu'elle abandonne le format rectangulaire pour acquérir un appareil photo Rolleiflex et bientôt, le format carré sera sa marque de fabrique.

Nudistes, travestis, phénomènes de foire, malades mentaux, toutes les populations hors-normes passent devant son objectif. Elle se confronte aux faits avec une certaine froideur et semble clamer que son univers est justement vide de normes. Son travail célèbre la réalité telle qu'elle est et ouvre de nouvelles perspectives à la compréhension que nous avons de nous même.

L'exposition du jeu de Paume adapte sa scénographie à la sensibilité du travail de Diane Arbus en refusant une présentation chronologique ou thématique mais en laissant le spectateur faire sa propre expérience de la réalité telle que nous la présente la photographe. Ainsi, c'est avec le cœur que nous rencontrons les modèles de Diane Arbus, comme si nous traversions nous même l’Amérique des années 60, débarrassés de tout jugement moral.

Parallèlement à l'exposition deux ouvrages essentiels à la compréhension de l'artiste ont été réédités en coédition La Martinière/Jeu de Paume. Diane Arbus, une chronologie offre une vision intime de la femme qu'elle a été à travers l'importante correspondance qu'elle entretenais avec ses proches, sa famille et ses confrères. On peut y lire ses motivations et le sens de ses projets ainsi que ses doutes et ses remises en question. Par ailleurs, le classique Diane Arbus, publié pour la première fois en 1973 propose 80 clichés incontournables de la photographe qui mettent en lumière toute la puissance de son travail.










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Voyages en marge,
par Roxanne Moreil



Alors que le discours politique sur la communauté des Roms se dégrade depuis plusieurs mois déjà, les publications photographiques autour de ce sujet se multiplient.

A travers la réédition du désormais historique Gitans de J.Koudelka, mais aussi par la publication de Django du voyage de la jeune photographe Dorothy-Shoes, la vie dans les marges de notre société nous apparaît plus précise.

Regard sur deux livres permettant une prise de conscience nécessaire.





Publié pour la première fois en 1975 sous le titre de « Gitans, la fin du voyage », le reportage légendaire de Koudelka revient chez Delpire, dans une version augmentée de quarante clichés, pensée par le photographe lui-même il y a des années de cela, avant sa fuite de la Tchécoslovaquie. Dans la préface, Robert Delpire, éditeur pour la France,expose le caractère inhabituel de ce travail pour lequel il n'a collaboré ni à la maquette ni au choix des images. Exception justifiée par la fidèle amitié qu'il entretient avec le photographe depuis plus de trente ans, alors qu'il était émigré politique à Paris.

La présente version compte donc 109 clichés pris entre 1962 et 1971 dans la Tchécoslovaquie d'alors (Bohême, Moravie et Slovaquie), en Roumanie, en Hongrie, en France et en Espagne.

Véritable plongée dans la vie des Tziganes, son travail présente un peuple hésitant entre gravité et joie intense et sous l’œil dévorant du photographe les visages burinés s'animent et s'émeuvent. Ses clichés pleins de rage et de justesse sont autant de preuves de notre ignorance de ces hommes qui se démènent aux portes de notre société pour avoir le droit d’exister.



La jeune photographe autodidacte Dorothy-Shoes enfonce le clou avec un reportage plein de grâce et de poésie, Django du voyage. Réalisée en 2010, cette série de photo présente le quotidien d'une famille de Gitans vivant en Indre-et-Loire. A contrario du travail de Koudelka, texte et photographies ont la même importance. Autour de sa rencontre avec le jeune Django, Dorothy-Shoes prend des notes, retranscrit impressions et discussions. Sans détours, elle prête sa voix à cette famille ignorée et rejetée, dans une volonté de « détruire les murs » et de mettre en lumière ce qu'il y a de beau dans ces vies sur lesquelles nous fermons les yeux. Au delà d'un discours politique, il est question d'une amitié atypique et sincère, que le lecteur est délicatement invité à partager.



Il s'est passé presque quarante ans entre la réalisation de ces deux reportages et pourtant il est encore nécessaire et urgent de lutter. C'est grâce à l'implication de ces artistes qui, contrairement à nos dirigeants, crient leur colère, que l'espoir d'une vie plus sereine subsiste pour ces citoyens singuliers.









  Django du voyage, Dorothy-Shoes, éditions du Rouergue



 



A voir aussi : 


The New Gypsies, Ian McKell, éditions Prestel






En 1986, un groupe de manifestant anti-Tathcher Post-Punk s'installe dans la campagne anglaise avec une volonté d'auto-suffisance, de retour à un idéal de simplicité, de nature, de liberté. C'est ce qu'on appelle désormais les "nouveaux gitans", que Ian McKell a photographié avec une grande sensibilité depuis une dizaine d'années. Esthétisants et intemporels, ses clichés mettent en branle tous les préjugés que l'on connait sur les gitans et témoignent de ce désir de moins en moins marginal de vivre autrement.








Pour en savoir plus :

 Un très bel article sur le livre dans le BOOKS du mois de septembre 2011






 Gypsies, Patrick Carriou, éditions PowerHouse Books




 En traversant l'Europe et le Moyen-Orient, pour arriver en Inde, Patrick Carriou chemine vers le berceau de ce peuple nomade qu'est celui des gitans. Par ses portraits et paysages, il dépeint les conditions de vie de ces hommes et femmes, aux multiples nationalités et facettes. Un voyage fascinant, parfois cruel et souvent beau, pendant lequel le photographe nous entraîne dans ces endroits que l'on choisit souvent d'ignorer.











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In the Light of darkness, Kate Brooks, Schiltpublishing




Au lendemain du 11 septembre, Kate Brooks, jeune photographe alors âgée de 23 ans, prend un billet simple pour le Pakistan dans l'idée d'observer les répercutions politiques et militaires de ces attentats, au Moyen-Orient.
Pendant dix ans, elle sillonne l'Afghanistan, la Lybie, le Liban, le Yemen... pour y enregistrer les conflits majeurs, des montagne de Tora-Bora au récent printemps arabe.
Le livre comporte un essai de Kate Brooks dans lequel elle décris son expérience de femme photo-reporter dans le monde musulman.
Ses clichés publiés dans le Time, Newsweek et le New-York Times, entre autre prestigieux journaux sont réunies dans ce premier livre.










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Subway, Bruce Davidson, éditions Steidl






A partir du printemps 1980, Bruce Davidson commence à arpenter les lignes de métro New-Yorkais et à photographier son paysage et ses usagers.
Source d'inspiration et de craintes, cet endroit est aussi pour l'artiste le théâtre de toutes les diversités ethniques et culturelles de la ville.
Davidson parvient à humaniser ce lieu impersonnel par ses portraits oscillants entre menace et sensualité.
Ce voyage en métro avec le photographe est un formidable témoignage de la culture Hip-Hop naissante et reste, près de trente ans après sa première parution un reportage incontournable.












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Magnum Sul Set, Il cinema visto dai grandi fotografi, Silvana Editoriale, édition trilingue Italien/Anglais/Français


Le musée national du cinéma de Turin présente actuellement une exposition des photographies de plateau réalisées par les membres de l'agence Magnum. D'Eugène Smith à Bruce Davidson en passant par Inge Morath, c'est avec un oeil honnête et sans concession que ces photographes observent le monde plein d'illusions de Hollywood.
Des clichés des tournages des plus grands films de l'histoire du cinéma d'une liberté créatrice folle.



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Ernst Haas, COLOR CORRECTION, Steidl

Longtemps considéré par ses pairs comme trop commercial, le travail de Ernst Haas est souvent réduit à ses photographies en noir & blanc et à ses travaux publicitaires (il est célèbre pour avoir photographié le premier Malboro Man).
Il présida pourtant l'agence Magnum en 1959 et fut surtout le premier à bénéficier d'une exposition personnelle pour ses travaux en couleur au MoMa en 1962 (soit 14 ans avant la mythique exposition « Color photographs » de William Eggleston).
Dans Colour Correction, publié par Steidl, nous redécouvrons les photographies couleur de Haas, longtemps oubliées au profit des travaux des grands photographes de la « New Colour » des années 70 : Meyerowitz, Eggleston, Shore, Sternfeld...
Le titre du livre, Color Correction (procédé de tirage spécifique à la photographie couleur), renvoie au rôle fondamental qu'a joué Haas dans l'histoire de ce médium.





                                                                                                    Roxanne Moreil


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Watabe Yukichi, A CRIMINAL INVESTIGATION, éditions X. Barral

En 1958, le photographe Watabe Yukichi est exceptionnellement autorisé à suivre l'enquête menée par la police de Tokyo suite à la découverte d'un cadavre défiguré, rongé à l'acide et émasculé.
Les éditions Xavier Barral publient le résultat de ce reportage dans un magnifique ouvrage toilé, à la forme du carnet de notes de l'enquêteur.
Une plongée quasi cinématographie dans ce fait divers digne du plus sombre des romans noirs.
















Pour aller plus loin :

Ryuichi kaneko, Ivan Vartanian, DES LIVRES DE PHOTOGRAPHIES JAPONAIS DES ANNEES 1960 ET 1970, éditions SEUIL







Un livre passionnat sur les expérimentations artistiques des photographes japonais à partir des années 60. Quarante ouvrages qui ont marqué l'histoire de l'édition photographique et transformé le statut du livre d'artiste.

                                                                                                             Roxanne Moreil